Lors de notre soirée du 23 novembre dernier, Dorothy’s gallery était comble pour écouter nos invités débattre sur l’art en prison. Brigitte Brami est écrivaine hors norme et ancienne détenue. Jean-Claude Pautot est peintre de talent et ancien détenu. Alain Cugno est un philosophe réputé et administrateur de la FARAPEJ. Natacha Galvez, membre de l’association et  doctorante en philosophie a modéré le débat. Le choix du lieu n’est pas anodin car il a accueilli la première exposition de l’association en 2014.

Un public varié et enthousiaste

L’auditoire vient d’horizons variés avec d’anciens détenus, des écrivains comme Nancy Huston, des artistes, des représentants d’association, mais aussi de nombreuses personnes qui découvre l’univers carcéral. Ils se montrent passionnés par les analyses des trois intervenants. La confrontation des vécus et des points de vue donnent alors une richesse particulière à ce débat.

Alain Cugno, penser la prison comme un lieu d’exclusion

Alain Cugno, auteur de L’existence du mal, nous rappelle que toutes les sociétés ont exclu les auteurs de comportements qu’elles n’admettent pas. La prison n’a pas pour rôle de former des artistes, mais l’art éclot en prison. Cela dépend de l’engagement existentiel de la personne. La réalité de la prison ouvre la sensibilité et la création se nourrit souvent des situations extrêmes : de la prison comme des expériences de l’amour et de la mort.

Brigitte Brami, expérimenter l’écriture derrière les barreaux

Ecrivaine, Brigitte Brami avait déjà publié un recueil de poèmes avant sa première incarcération. En prison, elle a rencontré les « oubliés de la société » mais également l’amour et le langage. L’incarcération est une expérience unique au monde, au cours de laquelle elle a écrit La prison Ruinée car « entre les choses qui ne se font pas et les choses qui se font, il y a quelque chose qui s’appelle la nécessité ». Son dernier livre Miracle de Jean Genet  est imprégné de la prison. Brigitte nous rappelle que beaucoup parmi les plus grands poètes sont passés par la « case prison », tels François Villon, Paul Verlaine, Albertine Sarrazin ou Jean Genet. « Égout de la société » la prison peut être un cadre où la création apparaît malgré elle.

Jean-Claude Pautot, les difficultés de la création en prison

Jean-Claude Pautot, qui publie la bande dessinés Face au mur avec Laurent Astier, a commencé à peindre en prison. Braqueur récidiviste, il avait reconstruit sa vie à l’étranger alors qu’il était en cavale. Repris, condamné à 17 ans de prison (il bénéficiera d’une remise de peine), il y découvre la peinture en autodidacte. En prison, il se servait de l’art « pour s’évader, pour ouvrir les barreaux. Une fois sorti j’ai continué et maintenant j’aime ce que je fais ». « Si je n’avais pas l’art, je recommencerais. C’est certain ». L’art n’existe pas en prison, selon lui, par manque de moyens. La prison n’est pas faite pour ça. Il faut donc que ce soit les détenus qui s’approprient leur désir d’art, de création et leur espace. Brigitte le rejoint sur ce point.

Imprégnés d’expériences différentes, ces témoignages nous disent combien l’art est et doit être présent en prison. Inspiration ou rejet, la prison offre un cadre extrême d’où l’art peut jaillir. Il est cependant difficile de pratiquer une activité artistique dans cet environnement très bruyant, hostile et souvent dépourvu de moyens.

Photographie par Eudes Peyre, Tipicomm

Brigitte Brami, Alain Cugno et Natacha Galvez @Eudes Peyre

Jean-Claude Pautot, Brigitte Brami et Alain Cugno @Eudes Peyre

Jean-Claude Pautot et Brigitte Brami @Eudes Peyre